Peur d'en laisser...aux autres :(
Bonjour tout le monde, bonjours docteurs !
Me revoilà avec une pensée encore bien tarabiscotée : j’ai approfondi ce que signifie chez moi « la peur de laisser » et « tentation ».
Aujourd’hui, je fais les exercices qui consistent à jeter objets ou nourriture, et là pas de problème. Pas de déchirement émotionnel quand il en vient à balancer tout ça dans la poubelle, c’est même assez facile et j’arrive à remarquer la satiété, de ce fait je réussis à apprécier et m’arrêter quand j’ai eu assez, même si c’est moins que la quantité autorisée. Mais je sais dès le départ que tout ce que je ne consommerai pas ira à la poubelle.
Par contre, quand il s’agit de laisser avec la possibilité que quelqu’un d’autre le récupère, ça devient plus difficile, de même quand il y a un plat à partager (même avec des personnes que j’apprécie !).
Réussissant maintenant à me rendre compte que soit j’en ai eu assez, soit je n’en veux pas car pas envie ou pas faim, je ne peux m’en empêcher, il faut que je mange.
Alors bien évidement je me sens pas très bien car c’est un surplus ou un apport de nourriture dont je n’ai pas besoin, mais il y a aussi des pensées assez obsédantes qui apparaissent, focalisées sur cette nourriture, pensées tristes ensuite quand il n’y en a plus, soit parce que je n’en ai pas eu, soit parce que « j’aurais aimé en avoir plus » (soyons d’accords, je n’avais pas/plus faim et cette pensée persiste même si je suis déjà arrivée à l’écœurement de l’aliment).
Clairement c’est une EME, doublé de la honte d’être si égoïste et radine (ça fait quand même très « tout pour moi, rien pour les autres » ce comportement), et c’est un comportement qui est très difficile à gérer et que je ne comprends pas du tout!
Petite, à l’âge de 7 ans, ma première fois mise au régime, puis plus tard, j’ai le souvenir d’un placard à gâteaux toujours bien rempli dans la cuisine de ma mère. Et quand un jour je lui disais que je n’arrivais pas à résister et de ce fait ce placard me causait bien du grief et affectait très certainement ma réussite à une énième diète, elle me répondait « ba oui mais ton père aime ça, et puis je ne vais quand même pas priver ton frère et ta sœur juste pour toi ! ».
Je dois avouer que cette réflexion m’a beaucoup marquée et pas mal blessée aussi, je me suis peut être sentie égoïste de demander un peu de compassion, celle-ci passant par une privation du reste de la famille, ou peut être comme moins importante que les autres membres, leur plaisir avant moi. Il y a très certainement un lien avec cet évènement, il faut maintenant que j'arrive à me sortir de ça, je ne sais juste pas comment.
J’ai analysé ça au cours de ces derniers jours, et je ne sais pas trop comment le gérer, je veux bien évidement me débarrasser de ce comportement que je trouve assez horrible, moi qui adore cuisiner pour les autres et ne me considérais jusqu'à présent pas égoïste! Mais je veux aussi arrêter de réagir ainsi pour mon bien être.
Comment pourrais-je modifier cette manière de me comporter, quels sont les exercices que je pourrais pratiquer ? D’autres personnes ont-elles rencontré ce type de réactions comment l’avez-vous pris et comment avez-vous réussi à ne plus réagir ainsi ?
Merci de votre aide à tous, et de votre compréhension
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Répondre
C'est vraiment très intéressant cette discussion. J'ai bien fait de revenir après plusieurs semaines d'absence ;).
Je suis dans la même galère, j'ai envie de dire. Et, quand ce réflexe me revient, c'est très instinctif, quasi animal.
Quand je suis avec ma famille, le fait de manger beaucoup ou plus est une façon de marquer ma place d'aînée. A ce propos, je me souviens que, quand j'étais petite, je mesurais la quantité de nourriture que je pouvais manger à celle de mon père, c'est-à-dire au chef de la meute. Et quelle fierté quand, vers 10 ans, sans aucune culpabilité, j'ai enfin réussi à manger plus que lui. Ca me fait d'autant plus sourire que je peux partager, mais si je l'ai décidé et si le geste partage peut clairement m'être assigné (je peux partager mon goûter, mais beaucoup plus difficilement un plat posé au centre de la table).
Quand je suis avec mon conjoint, c'est très dur également. Il m'arrive parfois de manger sans faim ce que j'aime simplement parce que je ne suis pas sûre de le retrouver la veille. Ou en préparant les plats. Même si notre couple va très bien, mon conjoint prend beaucoup de place, dans notre couple et dans ma vie. Et des vieilles vélléités de célibataire reprennent le dessus. Comme si manger ce qu'il pourrait manger était une façon de ne pas me faire bouffer. "C'est toujours ça que tu n'auras pas". Et aussi une manière d'avoir le dessus.
Ca me fait un peu peur d'écrire tout ça, j'ai l'impression d'en tenir une sacrée couche :-).
Ca va doucement mieux ceci dit. Depuis que je sais que je pourrai toujours en avoir autant que je veux. Car avant, j'avais l'împression qu'il y avait une quantité limitée et que ce que prenaient les autres, c'était ce que je n'aurais pas. Que c'était ce qu'ils me prenaient.
Maintenant, je me dis que la quantité est illimitée et que je peux en avoir autant que je veux, même si les autres prennent. Et je me dis aussi que je ne suis pas ce que je mange et que si les autres mangent, ce n'est pas moi qu'ils amputent...
Une façon de mettre un terme au "Manger ou être mangé" en somme ;)
C'est drôle de voir que je ne suis pas la seule. Adolescente, il m'était extrêmement difficile de partager mon goûter avec ma meilleure amie. c'était un vrai déchirement.
Adulte, je peux laisser de la nourriture si c'est un repas, mais si je prends un aliment qui a longtemps été considéré comme tabou (bonbons, même si j'en raffole pas) j'ai toujours du mal. Idem si je vais chercher des madeleines au distributeur parce que j'ai faim quand je n'ai pas déjeuné le matin.
J'arrive à ne pas me resservir du dessert si je n'ai plus faim, mais il reste une pointe de regret...
Peur de manquer, ça c'est certain, mais de quoi?
[quote=fleur2lotus]
C'est drôle de voir que je ne suis pas la seule. Adolescente, il m'était extrêmement difficile de partager mon goûter avec ma meilleure amie. c'était un vrai déchirement.
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Ce que tu dis me fait tilt. Mes enfants-qui sont parfaitement régulés, c'est trop inzuste -, partagent souvent leur goûter avec leurs meilleurs amis (il y a des échanges, des partages... voir des dons purs et simples si les amis n'ont pas de goûter ce jour là). Donc ils doivent inconciemment avoir bien compris que, même s'il ne leur reste plus de ce biscuit qu'ils adorent, ils en auront de nouveau plus tard, on pourra en racheter...
Se dire que l'occasion reviendra de manger de nouveau de ces plats que l'on aime, permet sans doute d'avancer un peu dans le "non-gavage".
Hier, j'ai mangé un Nuts entier à minuit, alors que j'aurais pu me contenter de la moitié pour satisfaire ma petite faim. Hasard, coincidence, c'était le dernier ;) Il y a encore du chemin à faire mais j'y crois.
Peut-être aussi que nous n'avons pas donné à nos enfants la même vision que nos parents nous ont donné..
Ce post m'a fait repenser au comportement de ma mère face à la nourriture..
En fait, si je ne finissais pas mon assiette, ma mère me culpabilisait avec des
' fini ton assiette !!" ... "la nourriture, c'est cher, tu veux que je mette l'argent à la poubelle"... "tu devrais avoir honte de ne pas manger ce qu'on te donnes , y a des enfants qui n'ont pas cette chance et qui meurent de faim"... comme si le fait de me gaver allait nourrir ceux qui ne mangent pas à leur faim ...
Donc je mangeais pour essayer de lui faire plaisir...
En plus les gens de sa génération ont connu la guerre, et le manque de nourriture, donc pour eux, s'était et c'est encore quelque chose de sacrée... j'ai dû, et je dois encore me battre pour qu'elle ne fasse plus ce genre de réflexion à mes enfants de 16 et 19ans...
Au début, quand j'ai eu mes enfants, j'avais aussi un peu tendance à reproduire ce schéma... masi je me suis vite rendu compte que c'était idiot de ma part...
Mais en moi, il reste encore et toujours ce 'FAUT PAS GÂCHER'... Mais je lutte ...je lutte ..!!!
Très intéressant ! Voilà qui pourrait expliquer pourquoi ma petite soeur prélève systématiquement une ou deux bouchées dans mon assiette et pourquoi cela m'énerve ! Au point que quand je déjeuner avec elle, je choisis un plat qui ne se partage pas :-)
Mon oncle m'a avoué ressentir encore un peu de rancune envers moi car à 12 ans j'ai mangé la dernière part de fars pitilic (un truc breton) qui lui faisait envie... Il avait 31 ans et j'étais celle qui l'a détrôné du rôle de "petit dernier de la famille", de chouchou, en somme.
Et moi même, guère plus glorieuse, qui pique et goûte tout ce que mange mon copain ! ça me fait bizarre de me dire que tous, chaque soir au dîner, nous répartissons les rôles dans la meute !
Groaaaa !
J'aime beaucoup ce fil de discussion.
Holimione évoque la peur de manquer. Elle a bien raison. Évidemment, c’est un puissant moteur, qui empêche de partager. Cela fait partie de cette insécurité alimentaire dont je parlais.
C’est très bien, cette idée de votre psy, Marie-Paule, de faire des cadeaux. Les cadeaux obligent et doivent être rendus. Ainsi, on se situe dans l’échange et c’est une très bonne tactique pour : 1. assumer la perte du cadeau ; 2. se situer dans un flux de dons, donnés et rendus, plutôt qu’à une échelle individuelle, de rétention.
Je donne généreusement, sur un mode désintéressé, et ainsi je reçois généreusement, sur un mode désintéressé. Comme on constate, le don est paradoxal : on a intérêt à être désintéressé !
Bon, revenons à cette peur de manquer. Sur le plan alimentaire, elle découle en grande partie des privations imposées par les interdits de type régime. Cette peur de manquer est constante chez les anciens combattants du régime.
Mais, comme le dit morgane16, la peur du manque est loin de n’être qu’alimentaire, bien souvent. Le manque, le vide, l’ennui, l’angoisse de séparation, voilà bien des moteurs puissants aux EME.
La démarche de pleine conscience est un moyen de s’habituer à l’incomplétude. De transformer cette incomplétude en plénitude.
De quoi est-on plein, alors ? De vide, bien sûr. C’était ma minute bouddhiste zen.
Om mani padme hum, Dr A....
Même combat pour moi ! Moi je ne supporte pas de partager mon picotin avec les autres, j'aime encore mieux tout donner. Après avoir abordé le sujet avec mon psy, voici l'exercice qu'il m'a donné : faire 3 cadeaux "comme ça, sans raison" à des personnes que j'aime et me faire à moi aussi un cadeau "comme ça", pour retrouver le plaisir de donner et de recevoir.
Comme je reviens d'un court séjour où j'ai dû partager ma nourriture, je peux dire que ça va mieux, même si ce n'est pas encore parfait, je n'ai plus cette rage de voir "ma" frite dans la main de mon mari... et donc pas d'EME. Mais intérieurement, je dois consentir, en toute conscience, à lui faire ce "cadeau", sachant que moi aussi je peux recevoir un cadeau (par exemple, lécher deux coups son Magnum alors que je n'ai pas faim assez pour un mais que j'ai envie du goût...).
A essayer, pour voir...
J'adore l'explication du Dr Apfeldorfer... je me vois en lionne en train de défendre ma proie... mais bon, socialement parlant, ce n'est pas tenable...!
Bonjour
J'ai suivi cette discussion avec intérêt ... et je m'aperçois petit à petit que moi aussi j'avais certains de ces comportements ... et que mine de rien cela change
Quand j'étais petite il n'etait juste pas acceptable pour moi que mes deux frères plus grands puissent avoir une part (de dessert pour le reste, ça va) plus grosse que moi ... ou que je ne reprenne pas un bout de la dernière part si mes freres en reprennaient ...
alors que maintenant - grace à LC - j'arrive plus facilement (à bientot 40 ans, il était temps!!!) à dire "je n'en prends qu'une toute petite part parce que je n'ai pas très faim" ou "c'est bon, j'ai eu ce que je voulais et qui me faisait plaisir, je n'ai pas besoin de plus" sans me comparer à ce que mange mes freres ou d'une manière générale, les autres.
c'est pas encore parfait mais je m'améliore doucement...
bon courage à toutes
Nikaia