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De la peur à l’envie de manger émotionnelle

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Peut-on avoir peur de ses propres émotions ? Dit comme cela, la question peut paraître incongrue. Et pourtant, cette peur est sans doute l’une des plus courantes.

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De la peur  à l’envie de manger émotionnelle
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Gavés d’idées selon lesquelles Homo sapiens est caractérisé par son intelligence, sa capacité de réflexion, sa logique, toutes notions hautement valorisées dans nos sociétés, nous ne sommes guère habitués à l’idée qu’avoir des émotions est de l’ordre du normal et du souhaitable. Bien sûr, les émotions qu’on qualifie de « positives », telles la joie, la sympathie, la gratitude, l’admiration, et ce qui n’est pas tout à fait une émotion, mais qu’on met dans le même sac, comme l’amour, le désir, la passion, tout cela, nous sommes d’accord pour le ressentir et nous le voyons comme un bienfait. Mais en ce qui concerne les émotions comme la tristesse, la peur, la colère, le dégoût, ou encore la culpabilité, la honte ou l’envie, est-ce bien nécessaire ?

En fait, oui. Les émotions ont une fonction adaptative, et les séparer en « positives » et « négatives » est malencontreux, a tendance à conférer une tonalité morale à leur classification. Par exemple, la peur augmente la vigilance et conduit à la mise en place de mesures préventives, la culpabilité conduit à respecter des règles sociales intériorisées, pour ne citer que ces deux-là.

Les envies de manger émotionnelles, un moyen pour éviter les émotions

Mais ces émotions motivantes sont pénibles et nous nous en passerions donc bien volontiers. Chez certains, ce déplaisir semble devenir insupportable au point que ces personnes tentent par tous les moyens d’éviter leurs émotions lorsque celles-ci font mine de se pointer. Un moyen possible pour cela est de se lancer dans une activité qui apporte du plaisir, ou qui, tout au moins, apporte des sensations intenses, qui masqueront le déplaisir émotionnel. Manger goulûment, à toute vitesse, des aliments à haute densité calorique, est un moyen qui a fait ses preuves pour cela. On appelle cela des envies de manger émotionnelles, ou en anglais, emotional eating, et dans notre programme, nous les appelons familièrement des EME.

Le GROS a invité lors de son congrès le professeur Michael Macht, de l’université de Würzburg, en Allemagne, à parler de ses travaux sur les EME. Il fait tout d’abord remarquer que les envies de manger émotionnelles existent chez tous, petits et grands. Manger est un acte émotionnant, et répondre à ses émotions par une prise de nourriture concerne tous les êtres vivants. Les EME ne sont donc pas à considérer comme un phénomène pathologique. Ce qui est pathologique, c’est l’extension que ce phénomène prend chez certains.

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Les envies de manger émotionnelles et leurs effets sur l'organisme

Un sujet d’étude, pour le Pr Macht, a été de comprendre le mécanisme intime des envies de manger émotionnelles. Manger déclenche une cascade de phénomènes d’ordre physiologique, liés à l’apport d’énergie, l’absorption des nutriments, dans lesquels interviennent le système sérotoninergique et d’autres mécanismes neuro-endocriniens. Mais manger a aussi des effets hédoniques, bien plus immédiats. Différentes études montrent que ce sont ces effets hédoniques, dont on connaît aujourd’hui les circuits neurologiques et neuro-endocriniens, qui seraient l’élément le plus important.

Ceci répond au comment, mais pas au pourquoi. Pourquoi manger plutôt qu’une autre conduite procurant des sensations intenses ? Le Pr Macht se réfère aux travaux de Hilde Bruch, psychiatre et psychanalyste américaine d’origine allemande qui, l’une des premières, dans les années 1970, a développé la théorie selon laquelle les troubles du comportement alimentaire et les problèmes pondéraux pourraient résulter d’un défaut d’apprentissage. Une mère qui répond à tous les besoins de son enfant par une offre de nourriture lui apprend à privilégier ce type de réponse face à toute sensation ou émotion négatives.

D’autres facteurs, selon le Pr Macht, pourraient intervenir : une incapacité fondamentale à réguler ses émotions, ou des stress intenses.

La méditation en pleine conscience aide à gérer ses émotions

Sur le plan thérapeutique, le Pr Macht propose d’aider les patients à mieux gérer leurs émotions, par exemple par l’apprentissage de la méditation en pleine conscience. La pleine conscience peut aussi aider les personnes à mieux percevoir leurs sensations alimentaires de faim et de satiété, et par là même, de « mieux maîtriser la tentation de manger qui se déclenche lorsqu’il est sous le coup d’un stress émotionnel. »

Les travaux du professeur Macht recoupent la démarche de Linecoaching et du GROS sur bien des points. Nous pensons aussi que les envies de manger émotionnelles jouent un rôle crucial dans la gestion du poids et dans le déclenchement des divers troubles du comportement alimentaire. Lorsque manger compulsivement devient le moyen privilégié de gérer ses émotions, il est fréquent que l’on se trouve rapidement en surpoids. Et bien sûr, nous sommes bien d’accord sur le fait que l’approche par la pleine conscience peut permettre une prise de distance par rapport à ses pensées et ses émotions pénibles, rendre moins nécessaire la frénésie alimentaire ; manger en pleine conscience permet aussi de mieux prendre conscience de sa faim, de son rassasiement, de ses appétits spécifiques et donc de manger de façon plus adaptée par rapport à ses besoins.

La restriction cognitive a des répercussions émotionnelles

Nous sommes cependant surpris que le professeur Macht ne fasse pas référence à la restriction cognitive, concept qu’il connaît bien, pourtant. Chercher à contrôler sur un mode volontariste son comportement alimentaire en vue de contrôler son poids a en effet des répercussions émotionnelles : cela oblige à se méfier de ses émotions, susceptibles à tout moment de déstabiliser les comportements alimentaires programmés. Cette lutte contre ses propres émotions conduit les personnes en restriction cognitive à devenir hypersensibles à leurs émotions et donc à perdre de plus en plus facilement le contrôle de leur comportement alimentaire. De plus, la restriction cognitive a elle-même des conséquences émotionnelles : on a peur d’avoir faim, peur de manquer, peur de grossir, on culpabilise d’avoir mangé, et ces émotions dites secondaires entretiennent le cercle vicieux des excès alimentaires.

De notre point de vue, le travail sur le comportement alimentaire et le travail de distanciation émotionnelle sont souvent à faire parallèlement.

Malgré ces quelques remarques, c’est avec bonheur que nous constatons que la nécessité de travailler sur les émotions, les pensées pénibles, est de plus en plus prise au sérieux dans le milieu universitaire, que des recherches sur ces sujets sont entreprises, et que la pleine conscience apparaît de plus en plus comme un outil privilégié dans cette optique.

 

Source : Michael Macht. Emotions, eating and emotional eating. Communication aux 11èmes Rencontres du GROS, 14 novembre 2013, Paris.

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Commentaire

Missan.
mar 29/04/2014 - 10:41
Très intéressant, surtout les effets néfastes de la restriction cognitive...qui donne peur de manquer, d'avoir faim et qui fait partie intégrante des envies de manger émotionnelle alors que l'on se convainc du contraire quand on "réussit" un régime. C'est très néfaste et en fait étonnant comment on peut continuer à se dire sans arrêt que CETTE méthode-ci de régime sera la bonne, encore et encore essayer pour revenir à chaque fois au point zéro/
joanez.
ven 25/04/2014 - 13:44
Ce résumé me rejoint tout à fait, étant jeune le sucrée primait chez moi et on pouvait en manger tant que je voulais plus que ma faim j'en faisait mon repas principal avec l'accord de ma mère...Je comprend mieux combien ce comportement m'affecte encore aujourd'hui très négativement...Comment faire pour m'en sortir maintenant...?
Nilajah.
ven 28/02/2014 - 19:01
Merci pour cet article édifiant clair et rigoureux.
Schtroumpfette.
jeu 27/02/2014 - 19:35
Complètement en accord avec l'article du Docteur Apfeldorfer et avec vos commentaires pertinents. Merci ! Pour ma part, je découvre, après 48 ans de lutte âpre, douloureuse et stérile contre moi-même que la clé de l'équilibre se trouve dans l'acceptation au sens large. Mieux : dans l'accueil. Les traces que la vie laisse sur nous sont pour moi d'une grande beauté. Notre corps, notre visage racontent notre histoire. Oser être soi, si différent des autres et si semblable à la fois, jusque dans notre comportement alimentaire, jusque dans nos failles....ne se trouverait-elle pas là, cette douce consolation que nous recherchons tous, de l'enfance à l'âge adulte ? Se trouverait-elle dans la qualité de l'accueil que nous allons nous-même nous donner ?
anthezome.
mer 15/01/2014 - 16:01
je me retrouve complètement dans les EME, mais comment y pallier? je mange dés que je suis seule et que du sucré, ma mère m'a toujours appris à me consoler avec la nourriture, comment ne plus le faire?
Ccil44.
ven 27/12/2013 - 09:34
Je pense que c'est la société actuelle qui nous pousse à ne pas montrer nos émotions, notre for intérieur. On a peur de ce que peut penser le voisin. Comme si son opinion était importante et conditionnait notre vie. Et il faut vivre dans la précipitation, la norme pour se sentir intégré dans le groupe majoritaire des puissants. Notre société est devenue une société d'élitistes.
shackleton.
jeu 26/12/2013 - 17:47
L'éducation peut jouer un rôle très néfaste en la matière, j'en sais quelque chose. Quand on vous demande de ne jamais vous plaindre, de ne jamais montrer vos peurs, de prendre toutes les "baffes" de la vie en restant "stiff upper lip", de foncer vers la "réussite" (sociale, professionnelle, etc.) sans jamais tenir compte de ce que vous souhaitez vraiment, nécessairement, vous rentrez vos émotions au fond de vos poches, sauf qu'à un moment, les poches débordent et vous vous retrouvez avec quelque chose d'incroyablement dur à gérer. Pour faire court, quand un gamin se fait mal, il est normal qu'il pleure et qu'il cherche de la consolation auprès d'un proche. Il est tout aussi normal de la lui prodiguer. Eh bien, quand nous sommes adultes, nous avons autant besoin d'encaisser, de réagir et de chercher un réconfort qu'un enfant. A ceci près que par une bizarrerie de la vie, nous enterrons ce que nous ressentons, je ne sais pourquoi, peur de déranger, peur de montrer une faiblesse, etc. Quand nous essuyons un coup dur, nous avons tendance à faire comme si de rien n'était. Mais la carcasse prend tout de même une claque et ce n'est pas le nier qui efface la marque. Un peu comme si la marque était plus infâmante que la claque ? Cela rejoint finalement l'obsession du corps parfait, toujours jeune, toujours en forme. Je n'ai jamais compris pourquoi nous devrions tous être sans tache, sans défaut, sans bosses. Et l'effort à produire pour effacer tout outrage de la vie (une ride, une plaie, un deuil, etc.) est bien plus destructeur qu'on l'imagine parce que cela conduit à un évitement systématique de ce qui pourrait nous marquer. Quand y aura-t-il un changement de mentalité qui fera que toute personne n'ait pas peur de ses bleus et bosses ?

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