ObEpi-Roche 2012 , l'analyse de Gérard Apfeldorfer
Il y a un peu plus d'une semaine étaient publiés les résultats annuels de l'Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l'obésité (INSERM / KANTAR HEALTH / ROCHE). Que penser des tendances de l'année?
Voici les principales conclusions auxquelles aboutit l'enquête épidémiologique obEpi-Roche 2012 :
En 2012, 32,3% des Français adultes de 18 ans et plus sont en surpoids (25 ≤ IMC < 30 kg/m2) et 15% présentent une obésité (IMC ≥ 30 kg/m2.
Le poids moyen a augmenté de 3,6 kg en 15 ans, tandis que la taille augmentait de 0,7 cm.
On note une décélération de l’augmentation de l’obésité dans notre pays (0,5% d’augmentation en 5 ans contre 1% tous les 5 ans auparavant).
En 2012, comme depuis 2003, la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les femmes (15,7% versus hommes : 14,3% ; p<0.01). Depuis 15 ans, l’augmentation de l’obésité concerne les femmes, et tout particulièrement les 18-25 ans.
La prévalence de l’obésité de l’enfant s’est stabilisée dans notre pays depuis les années 2000 et a cessé d’augmenter.
À partir de ces conclusions, le monde journalistique en conclut que l’obésité reste galopante, que toute personne en surpoids doit maigrir toutes affaires cessantes. Implicitement ou explicitement, on fait passer ce message : il faut donc manger moins gras, moins sucré, moins salé ou se lancer dans un régime d’une sorte ou d’une autre.
Voyons un peu :
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Quelles conclusions tirer d'obEpi -Roche 2012 ?
Tout n’est pas si noir, dans ces résultats. Les enfants ont cessé leur dérive, et peut-être verrons-nous bientôt, après le flux, le reflux. Les adultes semblent eux aussi prendre le même chemin, avec un temps de retard.
Les femmes, et surtout celles de la classe d’âge 18-25 ans continuent quant à elles à prendre du poids. Serait-ce parce que c’est justement cette partie de la population qui désire le plus maigrir, et qui, donc, entreprend le plus de régimes amaigrissants ? Les régimes amaigrissants feraient-ils grossir ? Eh bien, oui, les régimes amaigrissants font grossir. C’est ce qu’on appelle l’effet yoyo.
Ces mêmes régimes induisent aussi des troubles du comportement alimentaire, des troubles psychologiques et émotionnels, une perte de l’estime de soi. Cela aussi fait grossir. Double peine !
Sérieusement, les régimes font-ils maigrir ?
Les régimes amaigrissants sont efficaces sur le court terme (un an), mais inefficaces sur le moyen et long terme (au-delà de 3 ans).
Quelques éléments bibliographiques :
Anderson et al. étudient 29 programmes amaigrissants. Poids moyen des sujets: 100 kg. Perte de poids moyenne à 5 ans: 3 kg. C’est là une des études les plus optimistes ! Phelan et al. étudient le devenir de 2400 personnes : 94% des « successful losers » ont repris leur poids en 2 ans.
Field et al. font le point sur 15000 enfants de 9 à 14 ans qui ont été suivi pendant 3 ans. A poids et âge comparables, les enfants qui ont fait des régimes ont pris plus de poids en 3 ans que ceux qui n’en avaient pas fait. Les auteurs concluent que les régimes favorisent l’augmentation du poids à moyen terme.
Sacks et al. étudient les différents régimes possibles et les comparent. À deux ans, on ne peut constater que l’évolution du poids ne dépend que de l’intensité de la réduction calorique et pas de la nature du régime, que tous ont à deux ans la même évolution, les mêmes pitoyables résultats.
Le rapport d’expertise collective de l’Anses de novembre 2010 fait le point de l’état des connaissances en la matière : il y est dit clairement que les régimes amaigrissants dérèglent nos systèmes de régulation de la prise alimentaire et du poids, sont destructeurs de la psyché, de la santé physique, et que sur le long terme, ils font prendre du poids plutôt qu’ils n’en font perdre. Je cite : « L’abandon de la « solution régime » s’impose dès lors que l’on accepte de reconnaître que les possibilités de perte de poids sont à la fois limitées et variables selon les individus, et que c’est le changement en profondeur du comportement alimentaire qui permettra l’équilibre durable des nutriments et non l’inverse. » Ou encore : « Au final, la « solution » diététique aggrave souvent le « problème » pondéral. » (1)
A quoi attribuer la décélération de l’obésité en France ?
Certains, qui n’ont peur de rien, comme le docteur Pierre Dukan, s’attribuent le mérite de cette décélération de l’obésité française (interview du 22/10/2012 sur Europe 1 : Dukan, "la baisse du surpoids, c’est moi" //www.europe1.fr/France/Dukan-la-baisse-du-surpoids-c-est-moi-1282879/).
Est-il vraiment besoin de répondre ?
La réalité est qu’à ce jour, il est bien difficile de déterminer une cause.
Mais que fait la police ?
15% de Français obèses, cela semble beaucoup. Mais aux États-Unis, ils sont 30%. En fait, les Français sont parmi les moins gros des pays industrialisés. Le Japon, la Suisse, l’Italie font cependant mieux que nous, et les pays où l’obésité est la plus florissante sont les États-Unis, le Royaume Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande.
Mais alors, pourquoi les Français sont-ils moins gros ?
Voilà bien une question qu’on ne pose jamais ! On dramatise, on voit la bouteille à moitié vide ! Si nous faisons moins mal que les autres, question poids, c’est sans doute grâce au style d’alimentation des Français, qui se caractérise d’une part par la convivialité, et d’autre part, par la recherche du plaisir alimentaire.
En effet, le Français consomme plutôt davantage de lipides, et qui plus est ne dédaigne pas un peu de vin. C’est là un des aspects du French paradox ! La cause n’est donc pas à rechercher du côté de la diététique, mais des modes alimentaires.
Tandis qu’un Anglo-saxon se nourrit en faisant le plein à la pompe, le Français partage son plaisir avec ses congénères, et est à la recherche d’un bon moment, d’un plaisir gustatif. Il écoute alors davantage ses sensations alimentaires et mange globalement moins en quantité.
Malheureusement, notre alimentation a eu, ces dernières décennies, tendance à s’américaniser. On s’est mis à consacrer moins de temps aux prises alimentaires, et à s’axer sur les conseils diététiques. De plus, une vie de plus en plus stressante, à cent à l’heure, le stress, la fatigue émotionnelle, se sont conjugués pour nous faire manger vite, distraitement, sans attention, pour se débarrasser, parce qu’on est submergé par mille obligations et occupations.
Les classes les moins aisées de la population sont aussi les plus stressées. Cela peut être un facteur explicatif de leur poids plus important.
Toutes les personnes en surpoids doivent-elles maigrir ?
Je peux vouloir, sans pouvoir. Alors, oui, il est bon de maigrir… dans la mesure de ses moyens !
Tout se passe comme si on croyait que les personnes en surpoids peuvent se délester du nombre de kilos qu’elles désirent, qu’il ne s’agit que d’une question de volonté. Ainsi que le disent les professeurs Bernard Debré et Philippe Even, dans leur « Guide des 4000 médicaments, utiles, inutiles ou dangereux », (Cherche-Midi édition) : « Il n’y a qu’un traitement préventif et curatif de l’obésité qui soit efficace et sans risque : le régime hypersévère poursuivi des années et l’exercice physique. Il n’y a pas d’obèses en Somalie, au Soudan et en Ethiopie, pays des marathoniens et des multimilers, et il n’y en avait guère dans les rues de Paris de 1940 à 1945, avec les restrictions alimentaires et les tickets de viande, de lait, de pain. » (p.401).
Ce genre de discours, quelle personne en surcharge pondérale ne l’a pas entendu ? Il fait le lit de la discrimination et de la stigmatisation, et est à la fois scandaleux et inexact.
En fait, nous ne sommes pas égaux face au poids. Notre génétique, notre histoire, l’histoire de notre poids, notre mode de vie, conditionnent notre poids d’équilibre, le seul poids que nous soyons capable de stabiliser sans vivre l’enfer de la faim et des troubles du comportement alimentaire.
Alors, oui, perdons du poids, si cela s’avère possible, mais aussi, lorsque le poids en arrive au poids d'équilibre, acceptons-le et ne luttons pas contre notre nature.
1, 2, 3, c’est toi le Français en surpoids ! Tu dois donc maigrir, sous peine de mort ou de maladie
Le surpoids (soit un IMC entre 25 et 30) est certes inesthétique, selon les critères actuels de beauté, mais n’est pas un facteur négatif du point de vue de la santé. Certaines études montrent même qu’un surpoids peut se révéler un avantage : les personnes ayant quelques réserves de graisses font mieux face à certaines maladies que des personnes minces.
Un exemple : en 2012, M. R. Carnethon et al. publient dans JAMA un travail aux résultats inattendus : dans 5 essais cliniques, pour les personnes chez qui on diagnostique un diabète de type 2, l’incidence des accidents cardiovasculaires et la mortalité globale sont 2 fois plus élevés chez celles dont l’IMC était inférieur à 25, par rapport à celles chez qui il était supérieur à 25.
En fait, pour certains scientifiques, ces effets nocifs seraient pour une bonne part à attribuer à l’association d’autres facteurs :
- La sédentarité semble l’élément prépondérant. Comme les obèses sont souvent sédentaires, les deux facteurs sont souvent confondus. Mais dans les études où on les différencie, on constate que des personnes obèses, mais actives, ne se différencient pas des personnes de poids normal en ce qui concerne la santé et l’espérance de vie.
- La restriction cognitive, les troubles du comportement alimentaire qui résultent des efforts d’amaigrissement, l’évolution du poids en yoyo sont plus néfastes qu’un surpoids stable.
- Une alimentation de mauvaise qualité, différentes habitudes de vie fréquemment retrouvées en association avec l’obésité elle-même peuvent avoir des effets néfastes qu’on attribue à la seule obésité.On peut donc considérer que, lorsqu’on est en surpoids, sans maladie déclarée, du point de vue de la santé, mieux vaut souvent miser sur une vie plus épanouissante, plus active sur le plan physique, avec une alimentation diversifiée, où on mange en fonction de ses sensations alimentaires. Ce qui conduit en définitive à stabiliser son poids, parfois à un niveau bien plus élevé que les normes en vigueur. (2)
Que faut-il faire pour maigrir ?
Peut-être convient-il de revenir à une alimentation « à la française », où prédominent le plaisir et la convivialité.
Cela consiste, en pratique, à manger attentivement, en prenant le temps, dans de bonnes conditions matérielles et psychologiques, de faire se sa prise alimentaire un moment de retrouvailles avec soi-même.Cela consiste aussi à ne pas « manger ses émotions », augmenter la tolérance à ses orages intérieurs.
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G. Apfeldorfer
(1) Références bibliographiques :
Anderson J. W., Konz E.C., Frederich R.C., Wood C. L. Long-term weight-loss maintenance : a meta-analysis of US studies. Am. J. Clin. Nutr., 2001, 74, 579-584
Phelan S, O Hill J, Dibello J.R, Wing R.R. Recovery from relapse among successful weight maintainer. Am J clin Nutr, 2003, 78, 1079-84.
Field A.E, Austin S.B, Taymor C.B, Malspeis S., Rosner C.B, Rockett H.R, Gillman M.W, Colditz G.A. Relation between dieting and weight change among préadolescents and adolescents. Pediatrics Vol. 11,2 N°4, October 2003, pp. 900 – 906.
(Sacks F.M, Bray G. A, Carey V. J, Smith S. R, Ryan D. H, Anton S. D, McManus K, Champagne C. M, Bishop L. M, Laranjo N, Leboff M. S, Rood J. C, Jonge L, Greenway F. L, Loria C. M, Obarzanek E, Williamson D. A. Comparison of Weight-Loss Diets with Different Compositions of Fat, Protein, and Carbohydrates. New England J. Med, vol 360 : 859-873, feb 26 2009, 9).
Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement, Anses, rapport d’expertise collective, novembre 2010. NUT2009sa0099.pdf, //www.gros.org/ressources/bibliographie/lisez-le-rapport-complet-de-l’anses-sur-les-regimes-amaigrissants
(2) Références bibliographiques :
Bacon L. “Tales of mice and leptin : False promises and new hope in weight control. Healthy Weight” J. 2003; 17:24-27.
Bacon L., Stern J. S., Van Loan M. D., Keim N. L. Size Acceptance and Intuitive Eating Improve Health for Obese, Female Chronic Dieters. Am. Diet. Ass. 2005, 105, 6, 929-936.
Carnethon MR, De Chavez PJD, Biggs ML, Lewis CE, Pankow JS, Bertoni AG, Golden SH, Kiang Liu, Mukamal KJ, Campbell-Jenkins B, Dyer AR. Association of Weight Status With Mortality in Adults With Incident Diabetes. JAMA. 2012;308(6):581-590. doi:10.1001/jama.2012.9282.
Cogan JC, Ernsberger P. “Dieting, weight, and health: Reconceptualizing research and policy.” J Soc Issues. 1999;55:187-205.
Ernsberger P, Koletsky RJ. “Biomedical rationale for a wellness approach to obesity: An alternative to a focus on weight loss.” J Soc Issues. 1999;55:221-260. look at the evidence. Healthy Weight J. 2003;17:8-11.
Gaesser G. “Thinness and weight loss: Beneficial or detrimental to longevity.” Med Sci Sports Exer. 1999; 31:1118-1128.
Miller WC. “Fitness and fatness in relation to health: Implications for a paradigm shift.” J Soc Issues. 1999; 55:207-219.
Miller WC. How effective are traditional dietary and exercise interventions for weight loss ? Med Sci Sports Exer. 1999;31:1129-11
Robison J. “Health at every size: Antidote for the “obesity epidemic.” Healthy Weight J. 2003;17:4-7.
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